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La Foire de Romans. Retour vers le passé

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« Les vraies foires sont celles auxquelles une ville entière ouvre ses portes ».  Fernand Braudel

 Avec plus de 120 000 visiteurs en 2011, « la Foire du Dauphiné a plus que jamais le vent en poupe », comme l’annonce le site Internet consacré à la manifestation romanaise. Comment cet événement commercial et festif a-t-il pris une telle importance ? Quelles ont été les conditions de sa création et de son développement depuis le début des années 1930 ?

C’est la crise économique qui amène en 1930 les commerçants romanais Roger Segondi et Robert Dreyfus et l’imprimeur Paul Deval à créer la Foire de Romans.

Entre tradition et modernité

L’idée n’est pas neuve, car les foires-expositions se sont développées sous la Troisième République, juxtaposant au vieux principe du marché public où l’on vend toutes sortes de marchandises, celui de la présentation de produits manufacturés inventée en Angleterre. Président de l’Union Commerciale et Industrielle (UCI), Pierre Donger encourage cette initiative, constatant dans les colonnes du journal Le Bonhomme Jacquemart que la guerre de 14 a provoqué un « bouleversement complet des affaires qui atteint cruellement les cités moyennes comme la nôtre »… La rivalité avec Valence, qui connaît un fort développement industriel, est aussi évoquée, alors même que la chaussure romanaise et la chapellerie péageoise sont en difficultés. Durant l’été 1930, des réunions de commerçants donnent corps au projet, dont le modèle retenu est celui de la foire-exposition de Chambéry. Le soutien de la Ville de Romans et celui plus timide du Conseil Général et de la Chambre de Commerce permettent, avec les souscriptions de 110 exposants, d’ouvrir la première Foire le 17 octobre 1930, place du Champ de Mars.

Ruée et cohue

Le succès de la formule est immédiat, avec 40 000 visiteurs pendant les trois jours d’octobre 1930, la presse n’hésitant pas à parler de « ruée », d’« avalanche », de « cohue immense » et autre « foule énorme. » Les services spéciaux d’autobus organisés dans la Drôme, l’Ardèche et l’Isère drainent les visiteurs, avec les trains supplémentaires de la compagnie PLM et des tramways de la Drôme. Mais ce qui garantit la pérennité de la Foire, c’est le fait qu’elle se caractérise par des affaires « très nombreuses et importantes, à la satisfaction générale », selon le journal le Lyon Républicain. Le pari des fondateurs est gagné. Jusqu’en 1938, le nombre des exposants ne cesse de grossir et s’élève à 185, répartis en 300 stands, alors que les menaces de guerre se précisent. 75 000 visiteurs sont enregistrés en 1936 et depuis 1934, il a fallu trouver un emplacement plus vaste, celui de la place Jean-Jaurès, pour répondre au défi de ce succès populaire et à la réussite commerciale de la Foire.

Une préface à la rénovation économique… et à la guerre 

Qui sont ces exposants qui se félicitent de renouer avec les affaires ? Les métiers de l’alimentation dominent (37% en 1936 et 29 % en 1938), avec pas moins de 24 marchands de vins recensés en 1936 et des charcutiers venant de l’Alsace, du Nord ou du Dauphiné… Viennent ensuite les métiers de l’équipement domestique (environ 20% en 1936 et 15% en 1938) et de l’équipement agricole. Dans le catalogue de la Foire de 1936, le Maire vante les mérites des spécialités romanaises : « Romans a aussi la juste réputation d'être une ville accueillante. Ses produits gastronomiques sont excellents ; il faut citer en première place notre célèbre pogne, exquise brioche ». Il rappelle aussi que « centre industriel de toute première importance, Romans est le pays de la chaussure et du cuir ». Mais paradoxalement, l’industrie de la chaussure ne tient qu’une place très réduite dans la création et le fonctionnement de la Foire. Pourtant la Foire « doit servir de préface à la rénovation économique », le comité organisateur n’hésitant pas à afficher ses objectifs protectionnistes avec un slogan : « N’achetez jamais aux étrangers ce que vous pouvez vous procurer en France ». La Foire valorise avant tout l’artisanat, l’atelier familial, les métiers et savoir-faire. Le 3 septembre 1939, la guerre est déclarée. Le Journal de la Drôme du 21 septembre annonce que « la Foire-exposition est marquée d’un mauvais signe (…) alors que l’on procédait à l’installation des premières planches (…) la guerre est venue arrêtée tous travaux. Et, depuis quelques jours, la place Jean-Jaurès est débarrassée d’un attirail, qui désormais, en d’autres lieux, va servir d’abri à nos militaires ».

 La Foire des trente glorieuses

Après neuf ans d’interruption, Auguste Mourier, commerçant de Romans, relance la Foire en 1947. Avec volontarisme, il « lance un appel à tous ceux que préoccupe l’avenir de notre pays. C’est à un acte de foi nous les convions. Il faut que les visiteurs, acheteurs ou touristes trouvent chez nous (…) l’ambiance créatrice, novatrice, prélude au relèvement national ». L’appel est entendu : alors que la pénurie et le rationnement subsistent, plus de 100 000 visiteurs se ruent à la Foire et 130 000 dès l’année suivante. Auguste Mourier parvient même à associer un temps les industriels du cuir. Une quarantaine d’entre eux sont présents durant la Semaine du cuir de 1949, qui ne sera pas renouvelée, alors même que le slogan de « Romans capitale de la chaussure » a été forgé pour l’édition de la Foire de 1948. Toutefois, le succès commercial se confirme dans les années cinquante et soixante, période durant laquelle les maîtres-mots sont « développement », « prospérité » et « expansion ». La Foire des trente glorieuses est dans un premier temps celle de la redécouverte du terroir, avec 24% des exposants relevant du secteur agricole en 1955, contre 7 % en 1948. Mais cette proportion se réduit et tombe à 12 % en 1988. Le relais est pris par la montée en puissance de l’électroménager - en 1947, apparaissent ainsi les « buffets frigorifiques », en 1948 l’aspirateur, en 1949 la machine à laver à essoreuse manuelle, avant l’autocuiseur en 1953, la télévision en 1955… -, puis surtout du bâtiment et de l’équipement de bureau.

 Entre fête de la consommation et kermesse

Depuis ses débuts, fête de la consommation, la Foire sait aussi distraire ses visiteurs par des spectacles et attractions. Plus encore que les bals et concerts des années 30, la musique et les défilés militaires avec les stands d’exposition coloniale, leurs masques, cotonnades, et épices attirent un large public, entretenant la croyance d’une France puissance militaire et internationale de premier plan. Dans les années 50, les spectacles d’opéra et d’opérettes, de théâtre, de music-hall deviennent des temps forts de fête, durant la semaine. Vient ensuite le temps des artistes de variété, inauguré par Mistinguett, Luis Mariano, Tino Rossi et Charles Trenet. Les vedettes de la télévision assurent l’animation avec les groupes de rock, de pop, puis de rap. Inaugurée avant-guerre, la cérémonie un peu ampoulée de l’élection des Miss de la Foire subsiste. En 1958, à l’occasion de la 22ème Foire, le Président Junillon rappelle que « pour obtenir chaque année un plein succès, il faut se renouveler et rechercher l'attrait de la nouveauté par une exposition vraiment originale,  l'année dernière c'était l'exposition de pisciculture qui fut tant appréciée ; cette année les productions italiennes seront à l'honneur. Le jumelage Romans-Varèse nous en donne l'occasion, notre ville sœur d'au-delà des Alpes sera présente à notre Foire par une magnifique exposition des productions industrielles et artistique de cette belle région de Lombardie. Ce sera le clou de notre Foire, et de ce fait, notre manifestation prend un caractère international hors de Romans ». Depuis la fin des années 50, de nouvelles formules d’animation sont apparues, avec les pays invités - du Tyrol à l’Espagne… - ou les périodes reconstituées : la Belle Epoque, la Russie des Tsars…     

 Un succès qui ne se dément pas

En 1974, la Foire déménage du centre de Romans vers la périphérie de la ville, dans un parc aménagé de plus de 8 hectares, où peuvent se déployer les stands de plus de 320 exposants en 1988 et 500 en 2012 ! Depuis le début des années 2000, la fréquentation connaît à nouveau une courbe ascendante, passant de 40 000 à plus de 128 000 visiteurs en 2009. La Foire du Dauphiné a su s’adapter et a été distinguée à plusieurs reprises par la Fédération Foires Salons et Congrès de France par un diplôme d’honneur consacrant sa spectaculaire progression. Elle a même décroché, et c’est la seule en Drôme-Ardèche, le label de qualité. Un référentiel extrêmement rigoureux attribué de manière très sélective par la Fédération Nationale. Témoin des évolutions de la consommation et de la culture, la Foire de Romans a été aussi et demeure un véritable moteur économique.

Article rédigé par Philippe Bouchardeau, à partir de l’article de D. Andolfato,

dans la Revue Drômoise N°455 et du site Internet de la Foire www.foire-dauphine.com.

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La RN7, route des vacances, route de légende

« Je ne me demande pas où mènent les routes. C’est pour le trajet que je pars ». Anne Hébert

Longue de 996 kilomètres, chantée jadis par Charles Trenet comme la route des vacances, aujourd’hui en partie déclassée, la Nationale 7 est entrée dans la légende. 

Elle chemine de Paris à Montargis, puis de Nevers à Moulins, traverse Roanne, Lyon, Vienne, Valence, Montélimar, Avignon, Aix-en-Provence, Cannes et Menton… C’est la Route Nationale 7. Charles Trenet, le Fou chantant, en a fait un mythe en 1955. « De toutes les routes de France, d’Europe, celle que j’préfère est celle qui conduit en auto ou en auto-stop vers les rivages du Midi, Nationale sept »… La RN7, l’une des plus longues et des plus célèbres Routes Nationales de France, c’est toute une histoire.

 Un axe de passage majeur

Dans la Drôme, sur 150 kilomètres environ, la Route Nationale 7 s’inscrit dans l’axe majeur de circulation européen de la vallée du Rhône depuis la Préhistoire. La RN7 est l’héritière de voies romaines, dont elle suit plus ou moins fidèlement les itinéraires : la via Agrippa au Nord et dans la vallée du Rhône, puis la via Julia Augusta au Sud. Parmi les héritages de cette lointaine époque, les bornes milliaires, marquant les milles romains, soit 1,48 km, comme celle de la Paillasse au Sud de Portes-lès-Valence rappellent la qualité de l’infrastructure routière romaine. La fin de l’Empire romain conduit à une dégradation des routes et au VIIe siècle, la circulation des chars n’est plus possible. Au Moyen-Âge, la voie d’eau est privilégiée. Mais à partir du XIIIe siècle, le réseau de messageries se tisse. Au XVIe siècle, la poste développe une ligne entre Lyon et Marseille, une des plus actives du royaume. La poste aux chevaux est alors un service public chargé de fournir des montures aux particuliers pour se déplacer et aux courriers. Dans le territoire de la Drôme actuelle, sur la grande route royale de Paris à Antibes, des relais se fixent durablement dès les années 1580 à Saint-Rambert, Tain, Valence, Loriol, Montélimar et Pierrelatte.         

 Gains de vitesse et augmentation des trafics 

La grande mutation du XVIIIe siècle est d’abord celle de la vitesse avec les turgotines. En 1765, il faut 5 jours pour joindre Valence à Marseille, mais plus que 2 en 1780. Le trafic du roulage augmente pour atteindre son apogée sous la Restauration, avant que le train n’arrive dans la vallée à partir de 1856, une fois la ligne PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) achevée. Mais la vitesse est depuis longtemps facteur d’accidents sur la Route Nationale très fréquentée. En novembre 1815, lancée à pleine vitesse et voulant éviter des charrettes, la diligence de montée de la messagerie postale, attelée avec 5 gros chevaux écrase une fois de plus un passant. La préfecture de la Drôme dénonce alors la « fréquence des accidents ». Mais la vitesse n’est pas seule responsable. L’état désastreux de la chaussée est une constante. La route défoncée en permanence fait que les voyageurs regrettent parfois leur virée, comme Alexandre Dumas en 1834. « Nous parvînmes à faire en douze heures les 15 lieues qui séparent Vienne de Tain. Nous arrivâmes moulus ». Il faut des années pour améliorer la situation. Le macadam, mis en point en Angleterre vers 1815, n’est introduit à Paris qu’en 1849, puis sur les Routes Nationales comme la 7 vers la fin du XIXe siècle. C’est alors que la grande Route Nationale 7 devient l’une des plus fréquentées de France et d’Europe. C’est aussi l’une des plus dangereuses de France qui enregistre une hécatombe record de 16 500 victimes sur toutes ses routes en 1972 ». À partir du milieu des années 60, l’Autoroute du Soleil (A7) qui double la Nationale capte une grande partie du trafic de voitures individuelles et camions en augmentation constante.  Sécurisée en partie, la Nationale n’en reste pas moins soumise aux aléas climatiques : goudron fondu en période de canicule, inondations après les pluies battantes d’automne, verglas et neige d’hiver. Ainsi, deux jours après Noël 1970, la marée blanche ensevelit la vallée du Rhône et bloque tout le système de circulation, hormis les trains qui peuvent redémarrer. Comme l’Autoroute A7, la Nationale 7 a ses rescapés de la route, qu’il faut ravitailler, puis recueillir. 

 Le monde de la route prospère

La route royale, devenue Route Impériale N°8 au lendemain de la Révolution, puis Route Royale N°7 en 1823, de nouveau impériale en 1860, puis Nationale 7 en 1871 en  fait depuis longtemps la fortune de tout un monde. Sous l’Ancien Régime, propriétaires des relais et maîtres de poste sont nommés par Brevet Royal et bénéficient d’avantages fiscaux importants, dont l’exonération de la taille et du logement des gens de guerre. Le brevet est héréditaire et des dynasties on tenu certains relais pendant des siècles : Arnal à La Paillasse, Barbier à Saint-Rambert. Les réserves nécessaires de paille, de foin, voire d’avoine, ainsi que celles de nourriture pour les postiers et leurs passagers, sont assurées par les auberges elles-mêmes, mais font aussi vivre les paysans du secteur et les métiers de bouche. Avec l’arrivée de l’automobile, ces étapes ont comme héritières les garages, stations-services et restaurants. Les « routiers sympas » remplacent les postillons et les diligences laissent la place aux premières voitures à moteur à explosion. Monde grouillant, la route voit passer des pataches, des marchands, des militaires, des vagabonds et même « la grande chaîne des forçats » venant de Paris pour rejoindre le bagne de Toulon, qui fait parfois un arrêt à Valence, comme par exemple en 1816. La Route Nationale 7 a été aussi une voie stratégique et à toutes les époques, les militaires l’utilisent intensément, avant de recourir au train. Sous le Premier Empire, le rythme de marche de l’infanterie est de deux jours de marche, pour un jour de repos. Pour limiter la soif des marcheurs, les instructions prévoient « d’obliger les soldats à porter à la bouche un brin de paille. Les lèvres se trouvant serrées, la poussière ne peut pénétrer ; on n’a point soif, on ne boit pas ». La destinée militaire de la route se confirme par les nombreux passages de troupes. Durant l’été 1944, la grande bataille de Montélimar oppose les soldats de la Wehrmacht, en retraite, qui remontent la vallée du Rhône aux troupes américaines débarquées en Provence et qui arrivent par l’Est depuis Sisteron. Un enjeu majeur, le contrôle de la nationale 7. En 1956, pendant quatre jours et quatre nuits, les riverains de la Nationale 7 voient l’armée française concentrer ses forces vers Toulon, pour embarquer vers Suez.

 Les marques d’un passé prestigieux qui s’effacent

Désormais la  route contourne souvent villes et villages. À Serves-sur-Rhône, la route longtemps blottie au pied du château Saint-Pierre rejoint désormais les berges du Rhône. À Valence, le trafic de la RN7 est dévié en périphérie à partir de 1956. Parfois, d’anciens tronçons délaissés sont envahis par les mauvaises herbes, comme au Nord-Ouest de Tarare. Trop souvent, les platanes, qui auraient été plantés pour donner de l’ombre aux troupes, ont été abattus à partir des années 70. De l’époque brillante de l’histoire de la RN7, il reste des garages comme celui de Saint-Vallier et des stations-service datant des années 30, avec leurs flèches de signalisations majestueuses, comme à Tain, Valence et Montélimar. À Pont-de-l’Isère, au pied du pont qui permet à la Nationale 7 d’enjamber l’Isère, un monument du sculpteur valentinois Deluol marque le passage du 45ème parallèle. À Livron ou Tain, on peut encore admirer d’anciennes publicités murales qui s‘effritent. Contre une redevance annuelle qu’ils ne payent plus, marchands d’apéritifs, de vins ou de droguerie auraient pu passer à la postérité. En revanche, la Nationale 7 a su préserver ses étapes gourmandes : La Pyramide de Fernand Point à Vienne, tenue aujourd’hui par Patric Henriroux, Chabran à Pont-de-l’Isère, mais aussi bien sûr, Pic à Valence (André à partir de 1934, puis Jacques après 1973 et Anne-Sophie depuis 2007). Atout sucré de la route, le nougat de Montélimar, qui a supplanté celui de Marseille, présenté en paquet en forme de borne de la RN7 est un succès commercial qui ne se dément pas. Aujourd’hui entrée dans la légende, la RN7 pourrait retrouver un second souffle. Celui devrait en effet venir de l’AIRE N7 (Association Inter Régionales des Élus des N7, 6, 86, route bleue et amis de la route), qui propose une valorisation touristique digne de cette grande voie de civilisation et donne rendez-vous au public le 15 septembre prochain à Tain-l’Hermitage…  

 Article rédigé par Philippe Bouchardeau, à partir des articles du numéro spécial de la Revue Drômoise sur les routes dans la Drôme. 

 

 

 

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